Un nouveau témoignage de :

« Elles ont vécu leur grossesse à l’étranger

et elles en parlent ! »

Guillemette m’a contactée lorsque j’ai lancé un appel sur le groupe Facebook Expat Parents (comme la majorité de celles qui ont déjà témoigné d’ailleurs). Avec 11 h de plus que chez moi, ça n’a pas été évident de trouver une heure qui pouvait nous convenir à toutes les deux, mais Guillemette s’est montrée très flexible !

J’ai découvert une femme engagée, qui n’a pas peur de dire ce qu’elle pense, d’aller au bout de ce qu’elle veut. Un accouchement naturel, c’est ce qu’elle voulait. Mais dans un hôpital où la césarienne programmée est la norme (et sans possibilité de changer d’hôpital), il a fallu qu’elle mette en place des stratégies pour arriver à son but.

Quelles sont les stratégies qu’elle a mis en place ? A-t-elle réussi à obtenir l’accouchement dont elle rêvait ou au contraire, les choses se sont-elles déroulées de façon plutôt imprévues ?

Au cours de la vidéo, Guillemette aborde le sujet du plateau technique, je vais faire un petit point rapide pour vous permettre de comprendre de quoi il s’agit. Ici, je parle de ce qui se passe en France. Lors d’une grossesse, la femme peut choisir d’accoucher :

  • à la maternité de l’hôpital, avec le personnel de l’hôpital. Vous pouvez accoucher avec ou sans péridurale (tout en sachant que la norme en France est de la proposer de façon quasi-systématique), suivant votre projet de naissance.
  • en maison de naissance, gérée par des sages-femmes, mais il en existe peu. Vous pouvez accoucher de manière physiologique et sans péridurale.
  • à domicile : avec la sage-femme que vous aurez choisie et qui vous accompagnera du début de votre grossesse, lors de votre accouchement et lors du post-partum. Vous pouvez également vous faire accompagner d’une doula. C’est de plus en plus rare en France, car jugé dangereux (notez bien que ce n’est pas ce que peuvent penser d’autres pays comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas par exemple), peu de sages-femmes acceptent d’accompagner les femmes dans un accouchement à domicile, ne serait-ce que parce qu’on leur demande de payer une assurance avec un coup exorbitant (ce qu’elles ne peuvent se permettre).

Il existe une alternative qui s’appelle le plateau technique. Comme pour un accouchement à domicile, la femme reçoit un suivi global par une seule sage-femme, qu’elle a choisie, du début de sa grossesse jusqu’à la phase du post-partum. L’accouchement se déroule alors à l’hôpital, dans une salle réservée uniquement à la femme en train d’accoucher et à la sage-femme qui l’accompagne (et au conjoint s’il désire être présent, avec une doula s’il y en a une). Le personnel de l’hôpital n’intervient pas (sauf en cas de nécessité, à la demande de la sage-femme). Elle peut donc avoir quasiment les mêmes conditions que si elle accouchait chez elle.

Assez parlé, je vous laisse découvrir le témoignage de Guillemette dans la vidéo ci-dessous.

 

Si vous aussi, vous désirez témoigner et partager ce que vous avez vécu, contactez-moi en suivant ce lien.

N’hésitez pas à prendre rendez-vous pour une session découverte si vous pensez que je peux vous aider à prendre du recul sur une situation, si vous sentez que vous avez besoin de soutien ou si vous vous posez des questions sur votre parentalité.

Guillemette a une page Facebook que vous trouverez ici.
Vous pouvez aussi consulter son site internet : amaOrire.com

Guillemette est journaliste pour le magazine Grandir Autrement qui a récemment lancé un appel à l’aide. Ce magazine a pour vocation d’élargir les horizons des parents et des familles, de soutenir le maternage et la bienveillance éducative, de porter un message humaniste et égalitaire (homme/ femme, enfant/ adulte…). Le message qu’il porte est unique dans le monde de la presse parentale francophone. Soutenez-le et permettez lui de continuer à exister en vous abonnant ici (livraison dans le monde entier !).

Le texte du témoignage

Bonjour, je suis Carine Flutte, je suis psychologue, aujourd’hui, je suis avec Guillemette. Bonjour Guillemette,

Bonjour Carine,

Merci d’avoir accepté de témoigner.

Avec plaisir,

Je vais te laisser te présenter ?

Je m’appelle Guillemette, j’ai 4 enfants, nous vivons actuellement en Nouvelle-Zélande après avoir quelques années en Turquie. J’accompagne les femmes en conflit avec leurs corps à se reconnecter avec elles-mêmes et je suis journaliste pour un magazine français Grandir Autrement.

Ah oui, je connais bien ce magazine, j’aime beaucoup.

Merci.

Donc, du coup, tu es expatriée depuis combien de temps ?

Là en Nouvelle-Zélande, ça fait 3 ans et demi (plus de 3 ans, presque 3 ans et demi), on est rentré 18 mois en France, juste avant de partie en Nouvelle-Zélande et on a vécu près de 4 ans et demi en Turquie avant notre transition en France.

D’accord. Et du coup, tes grossesses, tu les as vécues où ?

Alors, deux enfants sont nés en France, dans des villes différentes et un enfant est né en Turquie et la dernière sur la jonction entre la France et la Nouvelle-Zélande

Tu préfères qu’on se concentre sur l’une des grossesses en particulier ?

Celle qui s’est déroulée à l’étranger. Elle fait partie des expériences fondatrices qui m’ont mise sur ma route vers moi-même et qui sont à la base de mon accompagnement finalement aujourd’hui. Conclusion, c’est intéressant que je partage autour de cette grossesse-là.

D’accord.

Quand tu as su que tu étais enceinte, qu’est-ce que tu as ressenti ? Est-ce que tu t’attendais à vivre quelque chose en particulier, ou pas vraiment ?

Ce que j’ai ressenti, c’est que j’étais bon, très heureuse parce que c’est un enfant que j’ai attendu, déjà, c’était le 3ème, on avait vraiment envie qu’il arrive, ensuite, ce que j’ai ressenti, un peu d’angoisse, parce qu’on habitait en Turquie à Bursa, c’est pas Istanbul, c’est pas Ankara, c’est une grosse ville quand même, mais c’est pas une grosse ville d’expat et donc j’avais pas mal de petits… j’étais ambivalente entre le plaisir d’être étrangère et de me dire : « Oh la la, cette fois-ci, je vais pouvoir faire ce que je veux, accoucher comme je veux et sous prétexte que je suis étrangère, personne ne va venir m’embêter », c’est un peu ce que j’avais ressenti en France, où il fallait rentrer dans un système bien précis.
J’avais à la fois cette grande envie-là et à la fois cette angoisse : « Mais en fait, comment ça se passe en Turquie ? Quelle liberté je vais réellement avoir par rapport à leur culture, à leur manière de faire les choses ? »

Donc une grossesse un peu, tu vois pour l’anecdote, c’était du genre, tu vas chez le gynéco, en Turquie, tu es dans une pièce noire, derrière un… on t’allonge derrière un champ pour le moindre examen gynéco. Pour être sûre que tu ne croises jamais le regard du gynéco. Donc entre le côté très intrusif de la France où vraiment ils y vont quand t’es enceinte, vraiment ton corps t’appartient plus, le côté « Cacher ce sexe que je ne veux pas voir, mon dieu. » C’était un peu particulier.

Oui, c’est un peu à l’opposé.

Ouais, avec des conséquences, je veux pas aller trop vite, avec des conséquences aussi pour le retour de couches finalement. Parce que cette prise en charge de « non, je ne regarde pas le sexe de la femme, etc. » ça a des conséquences sur « je te recouds ou pas, je surveille ta remise en forme ou pas, etc. »

J’anticipe un peu, mais il y a des femmes qui sont gynécologues ou pas, ou c’est vraiment réservé aux hommes ?

Je n’en sais rien, ce que je sais moi, c’est que par rapport à notre situation, c’est que, en fait, par rapport à notre assurance, on n’avait pas le choix de l’établissement où je pouvais accoucher. J’avais pas le droit d’accoucher dans un établissement type public. A Bursa, il y avait un hôpital privé, dans lequel les expat allaient accoucher si elles voulaient être prises en charge financièrement par leur système d’assurance, sinon c’était hors de prix.
Dans cet hôpital-là, il n’y avait que des hommes, ensuite, des hommes gynéco j’entends, ensuite, il fallait trouver qui parle anglais parce que même si j’avais bien travaillé mon turc, quand t’es dans un moment émotionnel fort, le turc, il revient pas trop vite.

Ah oui, c’est sûr !

Donc j’avais besoin que quelqu’un parle, qu’on puisse parler vraiment plusieurs langues pour qu’on puisse s’entendre.

Ce que j’ai repéré, c’est qu’il n’y avait pas de sage-femme, donc on est vraiment pas dans un accompagnement au féminin. C’est très médicalisé. L’objectif, c’est de passer en césarienne sur rendez-vous, parce que c’est ce qu’ils maîtrisent le mieux. Sauf que moi, c’était mon 3ème, tu connais un peu la revue Grandir Autrement, donc tu peux imaginer dans quel état d’esprit je m’inscris, j’étais bien loin d’accepter une césarienne de confort, j’avais plutôt tendance à accoucher sans… le plus naturellement possible. Donc après, je reviendrais sur les détails de comment j’ai réussi à ajuster ça avec la Turquie, mais c’est vrai que c’est un grand écart.

Oui, je peux imaginer oui, c’est sûr !

Du coup, au niveau émotionnel, durant la grossesse, ça s’est passé comment ? Parce que… bon, j’imagine qu’arriver comme ça et faire des examens… où le sexe est caché, la femme n’a pas la même position du tout que en France, passer d’un extrême à l’autre, c’était comment ?

En fait, je pense que je me suis sentie au départ assez insécurisée, sauf que conclusion, ben quand t’es expat, t’es à l’étranger, que t’as pas de famille, que tu recherches la sécurité, tu fais quoi ? Tu tires la sonnette auprès de ton mari, « je vais avoir besoin de toi ! » Et conclusion, j’ai un excellent souvenir de cette grossesse et de cet accouchement, parce qu’il a dû, mon mari a dû vraiment prendre les devants et être garant de ma sécurité et me rassurer.

Conclusion, la grossesse s’est passée comment ? A un moment donné on est rentré en France, c’est un enfant qui est né fin septembre. On est rentré en France début juillet et là, on a rencontré une sage-femme qui accouche à domicile avec laquelle nous avons été formés, durant plusieurs séances, tous les deux, mon mari et moi, pour tout comprendre de l’accouchement, de comment mon mari pouvait m’accompagner, quelle était la bonne réponse au bon moment, comment je pouvais moi me sentir la plus rassurée possible, parce qu’ayant en tête la maîtrise de tous ces petits gestes, de toutes ces petits choses.

Donc, émotionnellement, c’était insécurisant, mais on a mis en place des choses pour répondre, pour que ce soit plus confortable aussi. Et c’est pour ça que c’est devenu une aventure de couple formidable.

Oui, c’est vraiment très très intéressant de voir comment une difficulté s’est présentée puis finalement vous avez réussi, en couple, à trouver les ressources nécessaires pour la contourner ou en tout cas, y faire face.

Bon après, c’est bien mon truc aussi, au niveau de ma carrière professionnelle, c’est pareil. Mon objectif, c’est d’accompagner mes clientes pour qu’elles soient jamais le nez dans le guidon et qu’il y ait toujours possibilité de trouver des solutions pour ajuster entre mes besoins à moi, dans l’exemple que je donne, mais les besoins de mes clientes, avec leur réalité.

Mais ouais, mais c’est intéressant de savoir que c’est possible aussi, parce que tout le monde ne pense pas que c’est possible en fait.

C’est vrai, tu as raison. Oui, oui…

Après, bon ben suivant les circonstances, c’est plus ou moins compliqué et plus ou moins faisable mais c’est possible d’envisager, enfin de faire face à une situation compliquée. Et de pouvoir trouver des ressources et mettre en place des choses pour se sentir plus rassurée et peut être avoir des petits outils, pour le jour de l’accouchement ou tout au long de la grossesse.

Alors, l’accouchement ne s’est pas du tout déroulé comme j’avais espéré évidemment, c’est jamais…

J’ai commencé à prendre du sang presque une semaine avant terme et donc mon gynéco était très très inquiet à l’idée que je perde du sang, alors que pour moi, c’était le bouchon muqueux. Un troisième bébé, j’avais même pas des contractions très fortes, j’avais accouché naturellement pour les deux autres, ça avait pas pris trop de temps. Enfin moi, j’étais pas inquiète quoi. Lui par contre, il l’était, au point, où j’ai fait des allers-retours plusieurs fois, jusqu’à ce qu’il me dise : « Bon ben cette fois-ci, je vous garde, et vous accouchez. » Sauf que c’était pas le moment. Enfin moi, je sentais bien qu’il n’y avait pas de travail réellement engagé, etc. Et pour autant, il me mettait un peu une pression, une deadline : « Ben écoute, si dans 12 h, tu n’as pas accouché, on passe en césarienne. Parce qu’il y a un risque de souffrance du fœtus. » Toutes ces angoisses où je sentais bien que c’étaient plus les angoisses de mon médecin, que les miennes.

Je suis formée naturopathe et en médecine chinoise au départ, conclusion, j’ai un peu bidouillé pour que ça se passe comme je voulais, n’est-ce pas ! Donc on avait aussi envisagé cette éventualité avec mon mari.
Je me suis fait mon petit cocktail que je ne développerai pas plus parce que ça, c’est propre à chacun, vous vous faites accompagner comme vous voulez. Bref, effet chasse d’eau en tout cas, ça a bien déclenché le travail, et j’ai pu accoucher par voie basse. Sauf que, à partir du moment où tu donnes un petit coup de pouce, même si c’est naturel, t’as pas respecté le rythme de ton bébé, ça va très vite et c’est très violent.

Conclusion, j’en ai perdu mon turc, j’en ai perdu mon anglais, il fallait plus m’approcher, c’était assez… mais mon mari a super bien géré. J’ai très peu senti les angoisses des médecins et des gens autour de moi. J’ai senti qu’il était une vraie muraille, etc. Dans le moment un peu compliqué, ça a été le moment où il a fallu que je m’allonge sur le dos, les deux pieds dans les étriers, à l’ancienne, et ça, c’était vraiment extrêmement compliqué.

Je peux imaginer…

Au bout d’un moment, je ne sais pas si consciemment, je me suis adaptée, mais en tout cas, c’est dans cette position-là que mon bébé est sorti. Je me souviens d’une image, après coup, on a bien ri. Ils m’avaient changé de chambre parce que j’avais fait tout le travail dans une chambre et on est arrivé en salle de naissance. Et en salle de naissance, je me souviens que j’avais repeint la salle, il y avait du sang partout !

Je ne sais pas comment ils s’étaient organisés ou comment je m’étais moi organisée, ou alors j’avais tellement bougé parce que je voulais pas être sur le dos, je ne sais pas, mais j’ai une image, de me réveiller du brouillard de l’événement, de l’exercice, avec une image où il y avait vraiment… c’était sanglant. Et c’était ce personnel donc mon gynéco et il y avait deux femmes à côté de lui, donc je pense euh… je ne sais pas si c’était des puéricultrices ou des aide-soignantes, complètement un peu hébétés, et très peu au fait des accouchements par voie basse quoi.

C’est fou !

Ouais, c’est fou hein ! Et en fait, je pense que pour eux, c’est allé trop vite aussi. Ils ne se sont pas du tout rendu compte de ce qui s’était passé. En plus, après coup, je suis assez sauvage, c’est-à-dire qu’on me donne mon bébé, on ne peut plus y toucher.

Et conclusion, il a fallu gérer avec ça parce que les nouveaux-nés en Turquie, ils naissent, ils sont vaccinés direct. Dans l’heure, ils se prennent le vaccin hépatite B, etc., etc. Pouf ! Et tout se fait par injection, même les vitamines K qu’on va donner en France quelque temps plus tard, quelques jours plus tard ou dans les 24 h… Là, tu sors du ventre, tu te prends tes injections, la totale, le nettoyage et vlan. Donc, comme on était au courant, on avait fait un projet de naissance, mais faire un projet de naissance en Turquie, t’imagines bien…

Oui…

Ma meilleure manière de le défendre, c’était (de le garder contre moi) « non, je ne le donne à personne ! »

Donc voilà pour le souvenir que j’ai de l’accouchement. Après coup, je me souviens de pas une très très bonne ambiance parce que je ne respectais rien de leur protocole et que ça provoquait peut-être du stress chez eux, je pense. En tout cas, une incompréhension… ça n’a pas été simple.
Bon après, mon bébé a eu des problèmes de santé, donc on est reparti dans autre chose. Il a fallu que le service m’entende quand j’alertais en disant : « Non, non mon bébé, il a un problème, c’est le 3ème, je vois bien qu’il a un problème, il y a un problème. » Et ils étaient butés comme ça :  » Ben non, vous n’avez pas voulu qu’on le regarde à la naissance, vous n’avez pas voulu qu’on le check, vous vous démerdez. » C’est une blague !! Bon ça a été un petit peu compliqué après de tout remettre en route.

On est rentré à la maison, c’est marrant, le souci était un tout petit souci à la naissance, qui est peut-être commun, peut-être pas, j’en sais rien. Il est né avec un plexus brachial, ça veut dire que le bras n’était pas… nerveusement pas connecté au reste du corps. Donc avec un bras qui traînait un peu derrière. Donc tu le voyais, surtout au moment de l’allaitement, tu vois, quand je le changeais de côté, je voyais bien qu’il y avait un bras qui traînait. Et puis, apparemment, c’était douloureux parce qu’il pleurait beaucoup. Pourquoi est-ce que je raconte ça ? Je ne sais plus où je voulais en venir.

Parce que tu avais vu qu’il y avait ce problème et tu trouvais que c’était un petit problème, mais qu’eux, ils ne voulaient pas s’en occuper.

Ah non, ils ne voulaient pas le prendre en compte au départ, ah oui, non, pourquoi je te reparlais de ça ? Parce que donc, après, tu rentres quand même dans un système pour tout ce qui est problème nerveux comme ça, tu pars dans un système où tu vas rencontrer un neurologue toutes les semaines pour s’assurer qu’il n’y a pas dégénérescence des autres membres, pour voir si c’est un problème neurologique, ou si c’est juste un problème pratique. Donc, on a eu de la chance, c’était juste un problème vraiment mécanique, ça s’est très bien remis en 3-4 semaines, 3 grosses semaines de stress.
M’enfin quand même, le discours dominant, c’est qu’à l’époque où j’y étais moi, il y avait une jeune femme turque, qui travaillait à la maison et qui m’a aidée de manière extraordinaire, parce qu’elle m’a gardé mes deux ainés le temps de l’accouchement, etc. C’était formidable, sauf que pour elle, j’avais le mauvais œil. D’avoir un bébé abîmé à la naissance, c’est… je ne sais pas si le discours, c’était que j’avais fait quelque chose de mal ou que j’étais punie, mais il y avait un truc au niveau de leurs croyances, et ça c’était pas très agréable à porter.

Oui, non, j’imagine.

Bon après, conclusion elle est partie très vite, mais d’elle-même. Ce qui fait que moi, j’aurais bien tout donné pour la retenir, rien que d’un point de vue pratique, parce que quand tu rentres chez toi avec un bébé qui est plus fragile qu’un autre, qu’il faut aller chez le neurologue toutes les semaines pour s’assurer qu’il n’y a pas une dégénérescence des autres membres, il y a quand même une angoisse, puis il y avait deux enfants ainés. Mes enfants n’ont pas beaucoup d’écart. Donc celui juste au-dessus avait 3 ans et celui d’encore au-dessus 5, tu vois. 5 ans, 3 ans et nouveau-né, j’aurais pas craché dans la soupe d’avoir quelqu’un pour m’aider.

Oui, c’est sûr.

Bon après, c’est le choc des cultures.

Voilà ce que je peux dire sur un accouchement à l’étranger. Donc à la fois, on a beau tout border avec des connaissances, des outils, après, on fait avec la réalité du pays et…

Là où je suis contente, c’est que, à aucun moment, la situation nous a échappé. On n’a rien subi.

Oui, c’est important.

Après… bien sûr on a pleuré, bien sûr, il y a eu des énormes angoisses, etc.

Evidemment !

Et est-ce que tu aurais eu besoin de quelque chose de plus en fait ? Parce que j’ai vu que tu avais mis déjà beaucoup de choses en place, mais est-ce qu’il y a quelque chose qui t’a manqué ou dont tu aurais eu besoin et que tu n’as pas pu avoir en étant comme ça expatriée ?

Spontanément, je t’aurais dit : « Oh, mais ma maman, mes parents » et en fait, vu les circonstances, après la naissance et les angoisses, la santé de mon nourrisson, c’était mieux qu’elle soit à distance, enfin que la famille soit à distance parce que j’aurais eu à gérer leurs angoisses en plus de la mienne, ce qui aurait été difficile donc… donc encore une fois, il y a une ambivalence, là. Evidemment quand tu accouches, quand tu te sens fragile, quand t’as peur, quand t’as du chagrin, quand t’es face à un problème de santé d’un enfant, t’as envie d’être enveloppée par tes parents, etc. et… mais en même temps, je pense que c’était plus facile comme ça. Ensuite, qu’est-ce que je peux te dire ? J’avais de super bonnes copines en Turquie, qui étaient là aussi, donc je ne me suis pas sentie seule.

Qu’est-ce qui aurait pu me manquer ?

C’est pas obligé hein !

Non mais c’est intéressant ! Je pense que ce qui m’a manqué, après coup, je te dis ça parce que maintenant, il a 7 ans donc c’est facile de faire le retour, c’est que, dans toute cette aventure qui s’est donc passé assez rapidement, l’accouchement, la maladie, etc. Il n’y avait personne pour prendre soin de mes grands bébés, parce que moi, j’étais focus sur la prise en charge du nouveau-né et je crois que ce que je regrette aujourd’hui, c’est qu’il n’y avait personne pour prendre le relais de moi auprès d’eux, en expliquant la situation en essayant de mettre les mots sur les angoisses qu’eux ils pouvaient ressentir. Et conclusion, je me suis rendue compte bien plus tard, bon après, c’est un enfant qui a été malade pendant quelques années derrière, mais après, je me suis dit : « mon dieu, j’ai bien mal accompagné mes aînés. » Et j’aurais bien aimé avoir une doula, tu vois, ou une présence pour prendre soin de mes aînés, pour expliquer : « Ben oui, là maman elle est un peu inquiète, maman elle est un peu tendue. » Parce que finalement, ça a eu plein de répercussions après sur les angoisses de mes grands. J’ai eu du mal à comprendre, et j’ai eu du mal à remettre des mots dessus, parce que t’as pas envie de te remettre le nez dans le caca après coup aussi.

Oui, ben oui…

Donc, oui, je pense que c’est ça qui m’aurait manqué. C’est plutôt une prise en charge des ainés, pas tant matérielle qu’émotionnelle pour leur expliquer ce qui se passait parce que cette naissance était particulière.

Oui et puis toi, effectivement, t’étais focalisée sur le nouveau-né qui avait des difficultés donc, déjà quand on vient d’accoucher, on est focalisée sur son bébé, mais là, encore plus avec les difficultés qu’il pouvait rencontrer, c’était un peu compliqué de s’ouvrir à d’autres choses et d’être pleinement disponible pour les ainés.

Ah oui, là, c’est exactement ça. C’est mon seul regret. Mais après, c’est marrant parce que cet accouchement, il reste quand même un de mes meilleurs souvenirs hein ! Si je compare avec mes deux accouchements en France, alors j’avais fait un premier accouchement, mais sous péridurale où j’ai rien vu venir, 1er bébé, tu te poses pas de questions, avec plein de conséquences pénibles de la péridurale. Conclusion, j’avais pas l’impression d’avoir accouché. Le 2ème, hôpital ami des bébés, je m’attendais à une prise en charge top top, j’ai voulu accoucher naturellement, le travail a mis 10 heures, c’était après terme, ils voulaient absolument me déclencher, ils ont percé la poche des eaux, le bébé est né au moment du changement d’équipe, il est né avec la ventouse alors qu’il avait un double tour de cordon, enfin, un bordel, une horreur quoi ! Et conclusion, la naissance en Turquie, c’était waouh ! Ben finalement, tout s’est bien passé, tu vois, si on s’en tient à l’accouchement même, tout s’est bien passé.

Et après, j’ai accouché en France de ma petite dernière, en plateau technique, avec ma sage-femme choisie en accompagnement global et là, c’était le top ! Là, tu peux rassembler tout ce que tu voulais, t’as la sécurité du plateau technique et en même temps, t’es complètement libre avec ta sage-femme, c’était top !

Chouette !

Ouais, voilà !

Est-ce que tu as envie de rajouter quelque chose ?

Non, ben pour mon histoire, c’est assez complet après, par mon témoignage, ce que j’ai envie de partager, c’était que même si on a l’impression d’avoir plein de bâtons dans les roues et plein d’empêchements à cause de l’environnement ou à cause de notre corps, parce que j’aurais pu considérer mes pertes de sang, comme césarienne obligatoire, etc., ce que j’ai envie de dire, c’est que non, il n’y a jamais rien de figé, on peut toujours reprendre la main sur notre réalité, sur ce qu’on vit, il suffit vraiment de s’en donner les moyens de se faire accompagner, d’oser demander…

C’est pas toujours facile de demander hein !

Et non, c’est pas facile de demander, c’est pas facile d’investir aussi, parce que nous quand on est rentré en France pour se faire former par une sage-femme en libéral, elle nous a pas fait ça de manière bénévole, etc. Donc, à un moment donné, il faut choisir aussi ! T’es obligé oui, de faire l’effort de demander, oui de faire l’effort d’investir sur soi-même, de faire l’effort de payer, mais, ce que je veux partager, c’est que ça paye, le résultat, il est là, qu’en prenant soin de vous, on arrive à faire les choses comme on l’entend et en accord avec nous-même.

Oui, oui, oui, tout à fait.

Voilà ce que je pourrais dire en conclusion.

Effectivement Guillemette, c’est très très important de se faire accompagner et en fait, ça me fait penser à une cliente que j’ai accompagné il n’y a pas si longtemps que ça, qui avait fait une fausse-couche et qui me disait combien c’était important pour elle d’avoir pu poser les choses et de se sentir légitime dans ce qu’elle avait vécu.

Je crois que quand il s’agit de la maternité, quand il s’agit de l’accouchement, d’autant plus quand il y a un décès d’enfant ou qu’il y a eu une fausse-couche, on a vraiment besoin d’être entendu dans nos besoins fondamentaux, au cœur de nous-même, et c’est sûr, on ne se rend pas compte, autrefois, on avait nos mamans, on avait nos familles au complet pour nos accompagner, aujourd’hui, d’autant plus quand on est expat, on n’a plus tout ça et de pouvoir, d’oser faire appel à des accompagnants comme toi, comme une doula pour nous aider à vivre ce chemin de la meilleure manière qui soit, c’est un cadeau formidable à se faire. C’est fondamental !

Merci beaucoup !

Merci pour ton témoignage Guillemette et puis, je te dis à bientôt alors !

A bientôt, merci beaucoup. Au revoir

Au revoir

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